Comment maximiser le revenu des petites et moyennes compagnies aériennes grâce à une optimisation de type origine & destination sans investir dans des systèmes onéreux
Maximiser le revenu d’une entreprise évoluant sur son marché selon les préceptes du yield management peut se résumer à une formule arithmétique en apparence simple : vendre au juste prix, au bon moment, au bon endroit, au meilleur client.
Résoudre les équations du juste prix et du bon moment pour vendre repose sur un ensemble de compétences que maîtrise à minima toute organisation ayant réussi à survivre dans son environnement concurrentiel.
C’est la fonction que remplit un ensemble de processus pilotés par le département revenue management (les responsables d’inventaire et de tarification), appuyés par un système RMS (Revenue Management System). Cette composante technologique essentielle dès lors que les volumes d’affaires se comptent en millions de dollars, permet une optimisation – et donc une maximisation – du revenu plus ou moins performante en fonction de l’éditeur du progiciel, de la qualité des données d’entrée, et du niveau de formation des utilisateurs.
Quand les compagnies aériennes se sont rendu compte des gisements de revenus inexploités du concept de « bon endroit », c’est naturellement qu’elles ont attendu de leurs éditeurs RMS de pousser plus loin leurs modèles, afin de capitaliser sur les différentiels de demande et de prix de vente sur les larges géographies couvertes par leurs réseaux.
Les systèmes O&D
Les changements majeurs consistaient à :
- Ne plus prévoir la demande au niveau de chaque ligne aérienne (« segment »), mais au niveau de chaque couple PDV (Point De Vente, ou Point de commencement) – O&D (Origine et Destination).
- Avoir la flexibilité de vendre à des prix très différents un siège selon l’itinéraire du passager.
Il s’en est suivi des solutions dites « O&D », élitistes et coûteuses. La performance de leur modèle de maximisation des revenus nécessite d’ingérer d’énormes quantités de données, et d’exécuter en un temps record des centaines de règles définies par les utilisateurs.
Afin que les consommateurs et les vendeurs ne contournent pas le système, des dispositifs de protection du revenu doivent être mis en place simultanément (segments mariés, contrôle du point de départ, etc.).
Les solutions O&D nécessitent aussi que le système de gestion des passagers et des réservations soit compatible avec des normes de distribution avancées afin que l’offre O&D soit correctement distribuée et connectée aux compagnies aériennes partenaires, ce qui exclut de facto la plupart des éditeurs de progiciels à bas coût.
Outre les coûts technologiques et de distribution, la mise en place et la maintenance des solutions O&D demandent une main d’œuvre dédiée et formée.
Les solutions revenue management avancées de type O&D sont donc hors d’atteinte des petites et moyennes compagnies, car elles n’ont pas la taille suffisante pour rentabiliser l’implémentation de tels systèmes.
Pourtant, même sans avoir d’inventaire géré en O&D, il existe des modèles éprouvés permettant aux petites structures de tendre vers la maximisation de leurs revenus selon les préceptes de l’O&D sans recourir à des RMS complexes et coûteux. Ces modèles reposent sur l’optimisation de l’autre composante du revenue management : la tarification.
C’est ce modèle d’optimisation O&D que cet article se propose d’explorer. Nous prendrons l’exemple d’une compagnie aérienne, tout en gardant à l’esprit que les solutions exposées ici peuvent s’appliquer à d’autres modes de transport.
Comprendre la dynamique de la demande sur un réseau de transport
Les industries qui appliquent le yield management, et tout particulièrement les réseaux de transport, proposent une offre dont la capacité est relativement stable dans le temps, alors que la demande des clients est dans la majorité des cas extrêmement saisonnière.
Pour les secteurs d’activité traditionnels, les variations de la demande se gèrent facilement en stockant la production (biens matériels) ou en ajustant finement les ressources humaines (services).
Mais pour les entreprises du tourisme et du transport opérant avec des outils industriels de grande capacité (avions, trains, navires, hôtels, parcs d’attraction, parkings, etc.), réduire la capacité, quand cela est possible, signifie souvent ne pas opérer (réduire la fréquence d’une ligne, supprimer des horaires, fermer le site touristique). Et augmenter la capacité pour répondre à des pics de demande implique de dimensionner l’appareil productif de manière disproportionnée (ce que seuls les opérateurs de service public peuvent se permettre).
C’est pourquoi ces secteurs d’activité appliquent les préceptes du yield management pour optimiser leur revenu sur les périodes à très forte demande pendant lesquelles le nombre de clients potentiels excède la capacité maximale qui peut être mise en œuvre (haute saison, vacances, jours de la semaine, horaires de pointe), et les périodes à faible demande (basse saison) pendant lesquelles il y a beaucoup trop de sièges disponibles à la vente.
Dans la pratique, la réalité est beaucoup plus subtile. Pour chaque jour d’opération, chaque créneau horaire, pour une même capacité mise en œuvre, la dynamique de la demande est unique : la propension à payer des consommateurs n’est pas la même, et les profils des courbes de montée en charge des réservations sont différentes (anticipation d’achat, annulations). De multiples facteurs internes et externes non modélisables distordent les modèles de prévision de la demande et rendent le travail du revenue manager aussi passionnant qu’indispensable.
Ainsi, la confrontation entre l’offre et la demande comporte une infinité de nuances, représentées par d’infinies variations des stocks alloués aux quotas tarifaires dans les systèmes d’inventaire.
L’optimisation d’un réseau de transport connecté
Le rapport entre offre et demande, tel que décrit précédemment, est relativement facile à appréhender avec un système d’inventaire épaulé par un RMS qui, à grand renfort d’algorithmes, prévoit la demande future pour chaque produit et date d’opération, pour ensuite calculer à tout instant le prix optimal de vente (sous la forme d’un vecteur représentant le nombre de sièges disponibles par quota tarifaire). Ce prix est communiqué de manière plus ou moins dynamique aux systèmes de distribution. C’est ainsi que fonctionnent l’hôtellerie, les compagnies ferroviaires, quelques parcs d’attraction et compagnies de croisière, les compagnies aériennes low-cost et charter…
Mais les compagnies aériennes, dès lors qu’elles ont commencé à bâtir leurs réseaux de manière à faciliter les correspondances, ont fait face à des problématiques d’optimisation plus complexes qui, pour simplifier, consistent à arbitrer pour chaque segment entre les ventes sur vols directs et les ventes provenant de multiples correspondances.
Pour répondre à cette problématique, des solutions RMS O&D qui prévoient la demande et optimisent les ventes au niveau de chaque PDV–O&D sont apparues sur le marché, en même temps que des systèmes d’inventaire plus perfectionnés et de nouvelles normes de distribution. Mais plusieurs décennies après leur mise en œuvre, ces systèmes restent trop coûteux pour les petites et moyennes compagnies aériennes.
Pour autant, il existe une méthode éprouvée pour pratiquer le revenue management O&D avec des RMS qui n’optimisent qu’au niveau du segment : l’allocation efficace des tarifs dans les quotas tarifaires (classes de réservation).
Le benchmark des prix
Avec ou sans système O&D, le rôle de l’équipe pricing est de maintenir une offre tarifaire compétitive sur tous les segments de marché à un niveau PDV– O&D.
Un frein courant à la maximisation des revenus que nous observons est l’utilisation excessive d’add-ons, avec des prix compétitifs établis sur les vols directs, puis une logique de construction tarifaire qui fixe le prix des vols en correspondance indépendamment des dynamiques du marché. Si cela s’avère être une manière efficace de protéger le revenu en très haute saison ou gérer l’interline, cela devient contre-productif en basse saison, tout particulièrement sur les O&Ds très concurrentielles et/ou à forte élasticité prix.
Avant même de chercher à atteindre des optimisations complexes du revenu, nous recommandons de s’assurer que les process de fixation des prix sont solides.
Cela signifie que chaque PDV–O&D–Cabine de transport d’avoir :
- une identification consistante et documentée des concurrents directs en fonction de leurs parts de marché respectives
- une connaissance fine des forces et faiblesses du produit (fréquences, horaires, temps de connexion)
- une stratégie tarifaire cohérente vis-à-vis de chaque concurrent (matcher, sous-couper, charger un premium) et partagée en interne (équipes revenue management et commerciales)
- une procédure de prix plancher en dessous duquel les analystes et managers ne peuvent descendre sans autorisation hiérarchique (prix psychologique, en fonction des coûts variables, ou prix minimum au kilomètre)
La segmentation du marché
En addition au benchmark, les équipes pricing doivent raisonner stratégiquement sur chaque marché et adopter une posture adaptée à leur situation concurrentielle et à leurs ambitions de parts de marché.
Segmenter un marché est un excellent moyen de se différencier de la concurrence, et disposer d’une palette de leviers d’action sur laquelle s’appuyer pour répondre aux multiples nuances résultant de la confrontation entre l’offre, la demande, et le paysage concurrentiel. Les dimensions les plus courantes sont :
- le type de passager (adulte, enfant, jeune, étudiant, senior, couple, militaire, marin, etc.)
- l’objet du voyage (affaires, loisirs, etc.)
- le canal de distribution (Travel Management Companies, agences indépendantes, en ligne, spécialisées, tour-opérateurs, groupistes, etc.)
- les caractéristiques produit (avec ou sans bagage, conditions d’échange et de remboursement du billet, services exclusifs, etc.)
À ces dimensions s’ajoutent la gestion des produits en familles tarifaires (pour les compagnies aériennes, en s’appuyant sur les normes de distribution « branded fares » et « rich content ») qui permettent d’augmenter de quelques pourcents le revenu moyen, mais s’accompagnent aussi de contraintes fortes.
La mise en œuvre de la segmentation d’un marché nécessite de s’appuyer sur des ressources humaines expertes et des capacités techniques encadrées par des politiques internes performantes.
Les challenges du revenue management O&D
Pour illustrer de manière simpliste l’équation que les compagnies aériennes cherchent à résoudre, prenons l’exemple d’un vol Genève–New-York sur lequel il ne reste qu’une seule place à vendre dans un quota tarifaire. A quel passager est-il financièrement le plus intéressant de vendre cette place ?
La réponse la plus évidente, c’est de vendre au passager qui paye le plus cher. Et c’est effectivement la bonne réponse, bien qu’en fonction des circonstances, des solutions plus subtiles d’optimisation au niveau du réseau peuvent être plus performantes (priorité aux vols directs, priorité au revenu-kilomètre, priorité au revenu-réseau).
Mais la réalité est chaotique car il y a des milliers de tarifs dans ce quota tarifaire (des dizaines d’O&D différentes, déclinées sur de nombreux segments de marché). C’est le passager le plus rapide à réserver la place dans ce quota tarifaire qui sera à bord de l’avion, pas celui qui est le plus intéressant financièrement.
Un système RMS O&D permet de mettre un peu d’ordre en isolant la demande de chaque PDV–O&D, puis en lui ouvrant ou fermant l’accès aux quotas tarifaires en fonction du prix moyen attendu, grâce à des formules d’optimisation complexes qui agrègent et pondèrent les multiples tarifs disponibles à la vente dans des segments de référence.
Mais comme nous l’avons dit en introduction de cet article, les petites et moyennes compagnies aériennes ne peuvent pas s’offrir ces systèmes.
L’allocation optimale des tarifs dans les quotas tarifaires
La solution pour les petites et moyennes compagnies aériennes est une allocation rigoureuse des tarifs dans les quotas tarifaires.
La première étape est de définir pour chaque segment, et chaque période de l’année, quelle est la solution la plus optimale pour maximiser le revenu total :
- priorité aux vols directs : recommandé pour les lignes aériennes en sous-capacité et/ou déconnectées du hub de correspondances
- priorité au revenu-kilomètre : parfait pour les périodes à forte demande et les quotas tarifaires au sommet de la hiérarchie.
- priorité au revenu-réseau : idéal pour les périodes à faible demande et les lignes nouvelles qui manquent de traction.
La deuxième étape est de définir des règles d’assignation des tarifs dans les quotas tarifaires qui fonctionnent pour tous les segments de marché, tout en intégrant ou anticipant les contraintes liées aux branded fares.
La troisième étape est de réassigner les tarifs de tout le réseau dans leur quota tarifaire optimal.
En parallèle, le système d’inventaire doit être recalibré, une partie des données d’entrée du RMS retraitée, et parfois certains prix attendus manuellement configurés en attendant qu’un nouvel historique de la demande se constitue.
La quatrième étape est le lancement coordonné des nouvelles grilles tarifaires avec le RMS recalibré, et la mesure de la performance.
Les résultats
Après une période de mise en place comprise entre 3 et 9 mois, le gain minimal qu’une compagnie aérienne peut atteindre correspond à 1% du chiffre d’affaires passager. Sans dépenses technologiques, c’est un projet à fort retour sur investissement.
Les principaux vecteurs de ce gain en revenu sont liés à la réduction de la dispersion des tarifs assignés dans les quotas tarifaires, ce qui permet :
- au RMS de travailler avec une valorisation de la demande plus précise
- de ne plus manquer les opportunités des trafics en connexion fermés à la vente alors que leur revenu proratisé est supérieur aux ventes sur vol direct
- d’artificiellement favoriser le trafic de correspondance en période de faible demande, sans pour autant diluer le yield des vols directs.
Pour aller plus loin
With or without an O&D system, the proliferation of fares poses many challenges to maximizing revenue. While advanced O&D systems manage to optimize revenue, even when the allocation of fares within quotas lacks consistency, airlines without such a system have no other solution than to work with the constraints of a segment-wide demand-optimizing RMS.
As soon as the demand for point-to-point traffic declines (economic situation, new competitor), the development of O&D sales becomes a major issue that most companies take up by injecting skills into their organization.
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Les modèles pour maximiser le revenu
La solution la plus performante consiste généralement à combiner les approches revenu-km et revenu-réseau, avec éventuellement quelques exceptions où la priorité aux vols directs a du sens.
Priorité aux vols directs
- Optimisé pour les compagnies sans stratégie de hub et les marchés structurellement en sous-capacité. L’allocation des tarifs dans les classes de réservation favorise les ventes sur les vols directs. Le trafic en connexion est incrémental, avec une construction tarifaire qui souvent utilise des add-ons. Avantage : le revenu par siège est maximisé. La vente de deux billets en vol direct est préférée à celle d’un billet en connexion. Inconvénient : en période de faible demande, le potentiel du trafic en connexion n’est pas pleinement exploité.
Priorité au Revenu-Km
- Optimisé pour les périodes de forte demande et pour la gestion des quotas tarifaires élevés. L’allocation des tarifs dans les classes de réservation favorise la vente des tarifs ayant le revenu au km le plus élevé, c’est-à-dire ceux qui contribuent à la maximisation du revenu sur la ligne arienne. Avantage : les tarifs en connexion sont vendables dès lors qu’ils délivrent un revenu proratisé au km supérieur aux vols directs. Inconvénient : en cas de faible demande, la vente des tarifs en connexion peut être ralentie alors même que de nombreux vols du réseau ne partiront pas pleins.
Priorité au Revenu-Réseau
- Optimisé pour les périodes de faible demande et les réseaux structurellement en surcapacité. L’allocation des tarifs dans les classes de réservation favorise la vente des tarifs offrant le revenu réseau le plus élevé, c’est à dire ceux qui contribuent à la maximisation du revenu total de la compagnie aérienne, parfois volontairement au détriment de l’optimisation de certains segments. Avantage : les tarifs les plus élevés sont priorisés, quelle que soit la distance, ce qui maximise le chiffre d’affaires. Inconvénient : En période de forte demande, le trafic en connexion a tendance à diluer le yield des ventes sur vols directs.
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